Comportements défensifs et agressifs des patients et de leurs proches : comprendre pour mieux agir
Violence et soins, un paradoxe difficile à concilier. Pourtant, nous, soignants, y sommes régulièrement confrontés. Face à un diagnostic inquiétant, une attente prolongée ou une douleur mal soulagée, certains patients ou leurs proches réagissent par des comportements défensifs, voire agressifs. Pourquoi ces réactions ? Comment y faire face sans nous épuiser ?
Comprendre les mécanismes de défense
La peur, la souffrance et l’impuissance sont souvent à l’origine de comportements perçus comme hostiles. Un patient qui refuse les soins, s’agite ou élève la voix n’est pas forcément agressif par nature. Il exprime souvent une détresse qu’il ne sait pas formuler autrement. Ses proches, confrontés à l’angoisse et à la frustration, peuvent également réagir de manière disproportionnée, cherchant un responsable à leur douleur ou à celle de leur être cher.
Les comportements défensifs se manifestent sous différentes formes :
· Le repli sur soi, le mutisme, voire un refus total de coopération.
· Une méfiance exacerbée, des remises en question constantes du protocole de soins.
· Une agressivité verbale, parfois physique, dirigée contre nous ou contre le matériel.
Prévenir et désamorcer les tensions
Face à ces réactions, nous devons adopter une posture à la fois ferme et empathique. La communication est une arme précieuse :
· Écouter activement, c’est « visiter son musée », prendre le temps de parcourir son monde intérieur sans jugement ni précipitation. Seule une personne qui s’est sentie véritablement écoutée et comprise sera disposée à entendre nos demandes et à s’ouvrir à un dialogue constructif.
· Valider l’émotion, c’est reconnaître la souffrance de l’autre sans la minimiser. Dire : « Je vois à quel point cette situation est difficile pour vous » permet d’apaiser la tension. En ajoutant nos propres ressentis face à son comportement, nous créons un lien authentique : « Je suis convaincu que c’est sous l’emprise de vos émotions que vous avez réagi ainsi, et je veux comprendre ce que vous ressentez. »
· Évoquer nos besoins et négocier la reprise des soins, c’est établir une relation basée sur le respect mutuel. Nous devons rappeler que nous sommes là pour aider, mais que les soins ne peuvent se poursuivre que dans un cadre apaisé : « Je souhaite pouvoir continuer à vous accompagner, mais j’ai aussi besoin que cet échange se fasse dans un climat respectueux. Je ne pourrai poursuivre les soins que si vous acceptez de vous exprimer avec plus de bienveillance à mon égard. Travaillons ensemble pour avancer sereinement. »
· Clarifier le cadre, c’est poser des limites tout en maintenant une posture bienveillante et ferme. Il s’agit de rappeler calmement, sans jugement ni dénigrement, les règles en place et les conséquences d’un comportement inadapté. « Je comprends votre réaction, mais nous devons assurer votre sécurité et celle de l’équipe. Si cette situation persiste, cela pourrait compliquer votre prise en charge. C’est à vous de décider comment nous poursuivons les soins, et je suis là pour vous accompagner dans la meilleure solution possible. »
Se protéger sans se déshumaniser
Nous devons protéger notre intégrité physique et psychique pour continuer à exercer sereinement. Cela passe par :
· La mise en place de protocoles de sécurité adaptés aux situations à risque.
· Le soutien de l’équipe, qui joue un rôle clé pour éviter l’isolement des soignants face à la violence.
· La reconnaissance du stress vécu, à travers des espaces de parole et un accompagnement adapté pour prévenir l’épuisement professionnel.
· Des techniques d’auto-débriefing post-événement, individuel ou en équipe, pour analyser l’événement, en comprendre les éléments constitutifs et renforcer nos compétences face à de futures situations similaires. Comme le disait Friedrich Nietzsche : « Ce qui ne me tue pas me rend plus fort. »
Se former pour mieux gérer ces situations
Prendre soin des autres ne doit pas se faire au détriment de notre propre santé. Nous former à mieux gérer ces situations, c’est garantir notre bien-être, limiter les arrêts de travail et assurer une prise en charge de qualité aux patients. Un cercle vertueux où sécurité et bienveillance se conjuguent pour un environnement de soin plus apaisé.
Nous proposons une formation spécifique intitulée « Gérer les comportements défensifs dans les établissements de soins », destinée aux soignants confrontés à des situations de tension et d’agressivité. Cette formation vise à leur fournir des outils concrets pour comprendre les mécanismes de ces comportements et y répondre avec professionnalisme. Les participants apprendront à utiliser des techniques de communication non violente pour désamorcer des situations de dénigrement, d’insultes, de menaces verbales – qu’elles soient administratives ou dirigées contre l’intégrité de la personne –, ainsi que face à des actes d’automutilation ou des menaces suicidaires.
En complément, la formation aborde des techniques d’auto-protection permettant aux soignants de se prémunir contre les agressions physiques. Ils apprendront à gérer des situations impliquant des prises agressives, comme le grasping, les saisies d’habits ou de cheveux, ainsi que les tentatives d’étranglement. Ces techniques sont spécifiquement conçues pour éviter la douleur et préserver la dignité des personnes dont la défensivité est exacerbée par le stress, la peur ou des troubles sous-jacents. L’objectif est de leur donner les moyens d’intervenir en toute sécurité, tout en respectant l’intégrité de chacun, pour un environnement de soins plus serein et sécurisé.
